Joseph BENZACAR (1862-1944) - Association Culturelle des Juifs

May 3, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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L’Echo des Carrières N°59 2010

: Joseph BENZACAR (1862-1944) Un universitaire victime de la Shoah

Par Marc MALHERBE A la fin du XXe et au début du XXIe siècle, les études relatives au sort des juifs pendant la deuxième guerre mondiale se multiplient de manière pléthorique. Sans doute, les déboires judiciaires de certains notables collaborateurs y sont-ils pour beaucoup. Les affaires Barbie, Touvier, Bousquet, et plus récemment le retentissant procès bordelais de Maurice Papon ont-ils, en quelque sorte, suscité un grand nombre de travaux concernant la Shoah, et réveillé les témoignages des contemporains de l’extermination. Pour autant, tout n’est pas encore dit sur le massacre des juifs par les nazis. Si les études précitées ont le mérite d’entretenir la mémoire de cet holocauste, elles ont bien souvent l’inconvénient de favoriser une approche globale du phénomène au détriment des destins individuels. Ce n’est que récemment que la recherche scientifique tente d’affiner notre connaissance de cette tragédie humaine en s’intéressant aux effets de la Shoah sur telle ou telle catégorie sociale plus précise. Tel est le cas des universitaires. Les travaux remarquables de Claude Singer ont jeté une vive lumière sur le comportement et le sort des enseignants lors du dernier conflit mondial1. Malgré tout, l’historiographie laisse trop volontiers dans l’ombre les parcours particuliers de tel ou tel acteur universitaire de ces années sombres2. Pour un Marc Bloch, dont la vie et la fin tragique sont bien connues, combien de brillantes individualités oubliées, englouties dans les horreurs de la barbarie ? Un recensement de tous les enseignants juifs présents dans toutes les facultés françaises lors du second conflit mondial n’est certes pas aisé. Aussi, quand l’occasion se présente, lorsque les archives permettent de raviver la mémoire de l’une des victimes de la liquidation entreprise par le régime hitlérien et ses alliés de Vichy, le devoir de mémoire impose d’évoquer le souvenir de ces martyrs. La Faculté de droit de Bordeaux se trouve dans ce cas d’espèce. Entre 1897 et 1932, cet établissement compta dans ses rangs un professeur juif : Joseph Benzacar. Né à Bordeaux le 17 novembre 1862, il fut arrêté en mai 1944 à l’âge de 82 ans, et éliminé à Auschwitz à la fin de ce même mois. Sa famille était d’origine portugaise, installée à Tétouan (Maroc). Mais, au XVIIIe siècle, sans doute attirés par la prospérité commerciale de Bordeaux, les Benzacar 1

On songe évidemment à Vichy, l’Université et les juifs, Paris, Les Belles Lettres, 1992, auquel on ajoutera sur le sujet qui nous préoccupe : « L’exclusion des juifs de l’Université en 1940-1941 : les réactions », dans Les facs sous Vichy. Etudiants, universitaires et universités de France pendant la seconde guerre mondiale, Moulins, 1994, p. 189 à 204. 2 Certains auteurs soulignent aussi la responsabilité de quelques professeurs, parmi lesquels des historiens, comme Lucien Febvre, qui ont misé sur une occupation durable de la France par les Allemands : PORTE (Dominique), L’antisémitisme à l’Université. La responsabilité des intellectuels : années 1930 et 1940, s.l., éd. Singulières, 2007, p. 69-70 et 74. Ce n’est que récemment que les comportements individuels commencent à faire l’objet d’études particulières : voir par exemple : COINTET (Michelle), « Les juristes sous l’occupation ; la tentation du pétainisme et le choix de la Résistance », dans Les facs sous Vichy, op.cit., p. 51-64, CHEVASSUSAU-LOUIS (Nicolas), Savants sous l’occupation : enquête sur la vie scientifique française entre 1940 et 1944 , Paris, Seuil, 2004 : on lira en particulier les p. 139 à 150 (Et Lucien Febvre évinça Marc Bloch...), HALPERIN (Jean-Louis), « La première génération d’agrégés de droit », dans Histoire de l’Histoire du droit, Centre toulousain d’Histoire du droit et des idées politiques, Etudes d’Histoire du droit et des idées politiques, Toulouse, P.U.S.C.T., N° 10, 2006, p. 257 à 264, spécialement p. 261-262, à propos d’Henri Lévy-Bruhl et de Paul Ourliac. Le même travail a été entrepris et se poursuit encore pour le doyen de la Faculté de droit de Paris, Joseph Barthélémy : ALLINNE (Jean-Pierre), « De la toge à la francisque : Joseph Barthélémy, un juriste entre République et réaction », dans Thémis dans la cité, actes du colloque de Bordeaux des 9 et 10 octobre 2008, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2009, p. 31 à 62.

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arrivent sur les bords de la Garonne3. Dès 1781, on trouve Moïse Benzacar et sa femme, Létitia Lévy, à Bordeaux. Ces bisaïeux de Joseph Benzacar exercent sans doute le métier de colporteur4. Moïse était en outre « receveur du Consistoire israélite ». Il meurt à Bordeaux en 1843, « concierge du Temple israélite » et « mandataire du Consistoire »5. Au delà de ces fonctions, il est certain que les ancêtres de Joseph Benzacar n’appartenaient pas à la bourgeoisie, et ne possédaient aucune aisance financière6. C’est ainsi que l’on ne trouve pas le nom de Benzacar sur la liste des « principaux juifs espagnols et portugais » établie en 1806 par le préfet de la Gironde à la demande du ministre de l’Intérieur7. Il n’en demeure pas moins certain que les juifs bordelais ont profité de la Révolution française et de l’empire de Napoléon-Bonaparte pour s’intégrer parfaitement dans la vie locale8. Moïse Benzacar fait souche à Bordeaux. Son fils, grand-père de Joseph, naît en 1789, de même que Moïse-Henry, son père, en 1826. Le 17 novembre 1862, Moïse-Henry vient déclarer la naissance de Joseph à la mairie de Bordeaux : il a alors 36 ans, et se pare de la qualité de « rentier »9, ce qui montre qu’en trois générations, la situation matérielle de la famille s’est considérablement améliorée : le domicile familial est fixé au 35 cours Tourny, l’une des plus belles artères bordelaises. Grâce à cette aisance, le jeune Joseph peut entreprendre des études. En 1882, il est bachelier ès sciences, puis ès lettres l’année suivante. En 1883, il s’inscrit à la Faculté de droit de Bordeaux : deux fois lauréat, en 1884 et 1885, il est licencié en droit en 188610. Dans un premier temps, il n’envisage pas d’enseigner le droit. Il s’inscrit au barreau de Bordeaux, commence à plaider, et tente de se constituer une clientèle. Il tient cependant à devenir docteur en droit, ce qui sera chose faite le 20 février 189011. Le doctorat débouchant normalement sur l’enseignement, il devient chargé de cours en Economie politique dans sa faculté le 1er décembre 189612, et se présente l’année suivante 1897 au concours d’agrégation ouvert dans cette discipline : il triomphe dès sa première

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CAVIGNAC (Jean), « L’immigration des juifs portugais à Bordeaux au XVIIIe siècle, dans le Sud-Ouest et la péninsule ibérique », actes du XXXVIIIe congrès de la Fédération historique du Sud-Ouest, Pau, 1987, Revue de Pau et du Béarn, 1987, p. 125-138, plus spécialement p. 125-127. On consultera également l’article très dense d’Evelyne BLUM, « Construire la mémoire : les Juifs portugais de Bordeaux », dans Archives juives, N° 33/1, 1er semestre 2000, p. 110 à 115 (avec d’importantes notes). 4 CAVIGNAC (Jean), Les israélites bordelais au début du XIXe siècle, thèse de doctorat de 3ème cycle (dir. Paul Butel), Université Bordeaux III, T.1, 1986, (dactyl.), p. 34, et T.2 (dactyl.), p. 176, et, du même : Dictionnaire du judaïsme bordelais aux XVIIIe et XIXe siècles, Bordeaux, Archives départementales de la Gironde, 1987 (dactyl.), p. 20 et 204. 5 CAVIGNAC (Jean), Les israélites bordelais de 1780 à 1850. Autour de l’émancipation, Paris, Publisud, 1991, p. 36, 147-148 et 166. 6 A la fin du XVIIIe siècle, aucun Benzacar ne figure sur la liste des bourgeois de Bordeaux : CIROT (Georges), Les juifs de Bordeaux : leur situation morale et sociale de 1550 à la Révolution, Bordeaux, 1920, p. 36-37, et, du même, Recherches sur les juifs espagnols et portugais de Bordeaux, Bordeaux, Féret, 1908. 7 MALVEZIN (Théophile), Histoire des juifs de Bordeaux, Bordeaux, Lefebvre, 1875, p. 286-287. 8 CAVIGNAC (Jean), « L’émancipation des juifs sous la Révolution française et les Sépharades du Sud-Ouest », dans Révolutions en Aquitaine de Montesquieu à Frédéric Bastiat, actes du XLIIe congrès d’études régionales de la Fédération historique du Sud-Ouest, Bordeaux, 1990, p. 83-98 (avec une riche bibliographie). 9 Acte de naissance de Joseph Benzacar, Archives municipales de Bordeaux, 2 MI D3/71, 2ème section, N° 1212. 10 Archives départementales de la Gironde, dossier d’étudiant de Joseph Benzacar, bordereau N° 210, ref. 99/40, 5/5/99. 11 Composée de deux parties, la thèse de Joseph Benzacar sera publiée l’année même de la soutenance : De la bonne foi : les effets sur les contrats du Ier au VIe siècle de l’Empire (droit romain), et Les accidents du travail manuel dans le louage de services (droit français), Bordeaux, Cadoret, 1890. 12 En 1895-1896, Joseph Benzacar était déjà Chargé de conférences en 2ème année de licence. Cet emploi correspond aujourd’hui à ce que nous appelons les Chargés de Travaux dirigés. La charge lui avait été confiée en raison de la pénurie d’enseignants titulaires pour assurer les conférences, et surtout parce qu’il était docteur et candidat à l’agrégation : voir MALHERBE (Marc), La Faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1996, p. 125.

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tentative. Il sera affecté sur place, à Bordeaux à compter du 7 novembre 189713. Il ne quittera jamais sa faculté d’origine, et y effectuera toute sa carrière, jusqu’à sa retraite, en 1932. Il cumulera l’enseignement et la plaidoirie, jusqu’à sa démission du barreau, en 1922. A partir de 1912, il est attiré par la politique, mais ce n’est qu’en 1925 qu’il devient conseiller municipal de Bordeaux et adjoint au maire, fonction qu’il occupera pendant quinze ans, dans la municipalité dirigée par Adrien Marquet. Victime de la législation antijuive, il est déchu en octobre 1940, avant de périr des suites de la persécution nazie. Entre temps, Joseph Benzacar s’était marié deux fois. De sa première union en 1898 avec Marie-Clotilde Kraemer, il aura trois enfants14. Divorcé par jugement du Tribunal civil de Bordeaux en date du 23 octobre 1905, il épouse Juliette Esther Bernheim le 28 septembre 1908 à Eaubonne (anciennement Seine-et-Oise, aujourd’hui Val-d’Oise, au nord de Paris, près de Montmorency). Un quatrième enfant naîtra de ce second mariage. Ce rapide aperçu de la vie de Joseph Benzacar nous permet de dégager les lignes de force de son activité professionnelle. A la fois juriste et économiste, il est aussi bien avocat que professeur d’Economie politique. Conseiller municipal, Joseph Benzacar est également un homme politiquement engagé. Enfin, victime de la persécution nazie, il terminera sa vie en martyr. I-) LE SCIENTIFIQUE : UN PIONNIER DE LA SCIENCE ECONOMIQUE Sitôt sa licence en droit obtenue, nous avons vu que Joseph Benzacar entre au barreau de Bordeaux. Il ne subsiste que très peu de traces de cette activité. Sans doute a-t-il prêté serment dès 1886, année de sa licence. Il restera inscrit au barreau pendant 37 ans, puisqu’il démissionnera en 1922. Nous ignorons l’état de sa clientèle, de même que le volume de ses affaires. Mais cette activité de conseil et de plaidoirie restera son unique labeur, ce qui ne l’empêchera pas de devenir docteur en 1890. A partir de 1896, et plus encore après son agrégation en 1897, Joseph Benzacar cumule deux métiers : il est à la fois avocat et professeur. Cette particularité peut nous permettre d’affirmer qu’il plaidait peu. En effet, outre l’économie politique, il enseignera le droit criminel approfondi pendant une année (18981899), mais aussi la législation coloniale et la science financière. Et comme il est également l’auteur de nombreux travaux scientifiques, membre d’une foule d’associations et conseiller municipal à partir de 1925, on peut estimer que le temps consacré à sa clientèle de plaideurs devait être très mesuré. Peut-être est-ce cette surcharge de travail qui l’amènera à quitter le barreau bordelais en 1922 ? On ne sait. Tout aussi fragmentaires sont les renseignements concernant sa pédagogie et les cours qu’il professait au sein de la Faculté de droit. Agrégé au concours de 1897 en compagnie de trois autres candidats, il est l’un des premiers enseignants « spécialistes » en économie politique que la France ait connu. En effet, antérieurement à l’arrêté du 23 juin 1896, l’agrégation était « généraliste ». Chaque professeur agrégé pouvait enseigner la matière de son choix, et en changer en cours de carrière. Après le 23 juillet 1896, l’agrégation se trouve fractionnée en quatre options : droit public, droit privé, histoire du droit et sciences économiques15. Joseph Benzacar participe de l’un et de l’autre système : il a reçu une 13

Archives Nationales, carton F17 24232, dossier personnel de Joseph Benzacar. Acte du premier mariage de Joseph Benzacar avec Marie-Clotilde Kraemer, Archives municipales de Bordeaux, 2MI D4/116 3ème section, N° 683 (2 novembre 1898). Après la dissolution de cette union en 1905, les trois enfants du couple seront confiés à la garde exclusive de leur père : Archives nationales, carton F17 24232, notice individuelle pour l’année 1922-1923. 15 GATTI-MONTAIN (Jacqueline), Le système d’enseignement du droit en France, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1987, p. 81-85. 14

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formation « généraliste », et sera le premier professeur « spécialiste » de science économique affecté à Bordeaux. Il convient de souligner que l’économie politique connaissait une grande vogue à la fin du XIXe siècle, au point de jouer un rôle décisif dans l’introduction de nouvelles matières dans le programme des facultés de droit, et d’être consacrée en tant que discipline indépendante à l’agrégation par le texte de 189616. Nous ne savons rien du contenu des cours de Joseph Benzacar, ni pour l’économie politique, ni pour les autres matières de sa compétence. Nous savons seulement qu’il « suivait la doctrine de Charles Gide dans son enseignement, qui est simple et clair. Il professait des théories libérales imprégnées de solidarité et de coopération ».17 Il faut préciser qu’avant 1888, existait une Inspection générale des Facultés, qui centralisait les programmes de cours. Après 1888 et la disparition de cet organisme de contrôle, les professeurs ne seront plus tenus de communiquer le contenu de leurs enseignements, et celui-ci est perdu pour nous. En ce qui concerne Joseph Benzacar, nous devons nous contenter de quelques bribes, de rares lueurs émanant des renseignements fournis chaque année au rectorat par le doyen de la Faculté. Il semble qu’au début de son activité professionnelle, le jeune professeur avait une réputation de rigueur excessive. Pendant les sept premières années, de 1896 à 1903, les rapports décanaux estiment que « son caractère est un peu tranchant, et sa sévérité aux examens un peu exagérée ». Pour sa part, le recteur de l’Académie va encore plus loin en affirmant que « M. Benzacar n’est pas à première vue très plaisant : il a un ton autoritaire et cassant, des allures déterminées, je ne sais quoi de susceptible et de tranchant : tout cela ne convient pas à un débutant qui devrait se montrer modeste et réservé ».18 Mais ces critiques sont très vite dissipées après le tournant du XXe siècle. A compter de 1903 et jusqu’au terme de sa carrière, la réputation scientifique de Joseph Benzacar éclate au grand jour et ne se démentira plus jamais jusqu’à sa retraite : excellent professeur, aimé de ses étudiants, aussi bon juriste qu’économiste, savant renommé, etc.. A la fin de sa vie professionnelle, il était considéré comme un ange de bonté, qui avait le don de poser des questions le jour des examens, en suggérant la réponse…19 Si l’on se penche sur l’activité scientifique de Joseph Benzacar, il est au contraire possible de discerner deux orientations qui se dégagent de l’analyse des travaux du professeur : celui-ci était non seulement un précurseur de l’histoire économique, mais un analyste lucide de l’économie sociale de son temps.

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Sur l’importance de l’économie politique dans le renouvellement des études juridiques à la fin du XIXe siècle, voir Histoire des universités en France (dir. Jacques VERGER), Toulouse, Privat, 1986, p. 341-342, mais surtout les travaux de Lucette LE VAN LEMESLE, notamment : « La promotion de l’économie politique en France au XIXe siècle jusqu’à son introduction dans les facultés », dans Revue d’Histoire moderne, 1980, p. 270 et s. Enfin, on consultera la très récente étude de Nelly HISSUNG-CONVERT, concernant directement l’enseignement de l’économie politique à Bordeaux ; « L’enseignement de l’économie politique à la Faculté de droit de Bordeaux au XIXe siècle », dans Les facultés de droit de province au XIXe siècle. Bilans et perspectives de recherche, Centre toulousain d’Histoire du droit et des Idées politiques, Université Toulouse I, 2009, à paraître. 17 GARRIGOU-LAGRANGE (André), « Eloge de Joseph Benzacar », Annales de la Faculté de droit de l’Université de Bordeaux, 1ère année, 1950, fasc. 1, Bordeaux, Bière, 1950. 18 Archives départementales de la Gironde, VT111, dossier administratif de Joseph Benzacar, renseignements généraux pour les années 1896-1903. 19 Ce qui n’empêchait pas ses étudiants de chahuter et de perturber parfois ses cours, comme en décembre 1927 et en mars 1928, où Benzacar fut contraint d’interrompre ses enseignements : lettre de Joseph Benzacar au doyen de la faculté de droit de Bordeaux, du 26 mars 1928, Archives de la Faculté de droit, dossier personnel de Joseph Benzacar.

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a-) Un promoteur de l’histoire économique Les publications de Joseph Benzacar s’étalent sur 28 années. De sa thèse, parue en 1890, à son dernier article, publié en 1918, on recense 27 publications, soit environ une par an20. Après 1918, Joseph Benzacar ne se livrera plus à la recherche scientifique, préférant se consacrer à son activité politique. Sans doute le goût pour l’Histoire lui vient-il de sa formation de juriste « généraliste » reçue à la Faculté de droit de Bordeaux. Grâce à l’Histoire, il trouve l’occasion de concilier le passé avec la science économique, discipline nouvelle à la fin du XIXe siècle. Ce sont ses travaux d’Histoire économique qui ont assis la réputation de Joseph Benzacar. Après sa thèse, son premier article, consécutif à une conférence, porte sur l’un des fondateurs de la science économique en France : François Quesnay21. Ce travail sera suivi de onze autres publications historiques, de préférence orientées vers l’histoire économique de Bordeaux. On remarque, dans cet ensemble, la prédilection de l’auteur pour le XVIIIe siècle bordelais, regardé comme un véritable âge d’or pour la cité des bords de la Garonne. Cette attirance pour le siècle des Lumières se manifeste ensuite par une analyse de 81 pages sur les « Règles économiques de l’administration d’Aubert de Tourny, intendant de Bordeaux », parue en 1903, dans le Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques22. Il s’agit là sans aucun doute de l’ouvrage qui attira l’attention de la communauté scientifique sur Joseph Benzacar. Les éloges sont en effet unanimes23, et ne cesseront plus. Déjà sensible aux effets sociaux de l’économie, il propose ensuite deux études sur « La disette à Bordeaux (17471748) »24, et « Le pain à Bordeaux au XVIIIe siècle »25. Ici, le professeur devient connu au niveau national, et recevra un hommage d’André Vovard dans Le Monde économique (2 novembre 1918), pour l’ensemble de ses travaux sur l’histoire économique du Bordelais. Encouragé sur cette voie, Joseph Benzacar s’intéresse ensuite aux jeux de hasard, ainsi qu’aux effets de la banqueroute de Law dans la région bordelaise26. Notre auteur se fait aussi biographe, en abordant la vie et l’œuvre de Dom Devienne27. Enfin, comment négliger le vin lorsqu’on est bordelais ? Joseph Benzacar consacre deux études à l’histoire économique du

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S’il est aisé de consulter les livres et les brochures de Joseph Benzacar, il n’en va pas de même pour ses articles, parus dans de multiples revues, dont beaucoup ont aujourd’hui disparu. Fort heureusement, Joseph Benzacar avait pris la peine de faire relier les diverses livraisons dont il était l’auteur. Ce regroupement prend la forme de deux volumes : il est aujourd’hui propriété de M. Jean-Pierre DUPRAT, professeur de droit public à la Faculté de droit de Bordeaux, qui a bien voulu nous les confier, ce qui a grandement facilité notre travail de repérage et d’inventaire. Qu’il en soit ici très sincèrement remercié 21 « La création d’une science nouvelle au XVIIIe siècle : François Quesnay », conférence prononcée à l’Assemblée générale de la Société d’économie politique de Bordeaux, le 29 avril 1895, et article du même intitulé, dans Revue économique de Bordeaux, Bordeaux, Gounouilhou, 1896, p. 3-21. 22 On trouve aussi cette étude sous forme de brochure, Paris, Imprimerie Nationale, 1904. 23 A propos des « Règles économiques de l’administration d’Aubert de Tourny », nous pouvons citer le compterendu de Paul COURTEAULT dans la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, année 1921, qui considérait que l’étude de Joseph Benzacar constituait le complément indispensable du travail de M. LHERITIER sur l’intendant Tourny. Même opinion flatteuse dans les Annales du Midi (1903), etc.. 24 Dans Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 7ème année, N° 11, 1904, p. 1-15. 25 Ibid. Publication répartie sur plusieurs fascicules de cette revue, année 1905, N° 95 à 102, pour un total de 122 pages. 26 « Les jeux de hasard à Bordeaux (1701-1789) », Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 8ème année, N° 5, 1905, p. 1-23, et brochure, Bordeaux, Gounouilhon, 1905. « Enquête sur la banque royale de Law dans l’élection de Bordeaux », dans Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1907, et brochure de 24 p., Paris, Imprimerie Nationale, 1909. Sur ce dernier article, voir le compte-rendu de la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 1909, p. 82-102. 27 « Dom Devienne, historiographe de Guyenne », dans Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 9ème année, N° 4, 1er avril 1906, et brochure, Bordeaux Gounouilhou, 1906 (20 p.).

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vin : l’une de politique économique28, et l’autre purement juridique29. L’un des derniers articles signés de la main de Joseph Benzacar est relatif aux finances : « Eclaircissements sur les finances de Bordeaux (XVIIIe siècle-1701-mai 1789) ». Mais seule la première partie de ce travail verra le jour30. Déjà impliqué dans la vie politique locale, Joseph Benzacar délaisse peu à peu la recherche au profit des joutes politiques31. Toujours dans le cadre du XVIIIe siècle, Joseph Benzacar fit une incursion dans la période révolutionnaire en s’intéressant à la vente des biens nationaux dans le département de la Gironde. La tâche était immense, et c’est avec la collaboration des professeurs Marion, de la Faculté des Lettres, et Caudrillier, du lycée de Bordeaux, que le projet put aboutir : trois énormes volumes totalisant 1400 pages32. Cette prédilection pour l’Histoire économique rejaillissait sur l’enseignement et les activités pédagogiques de Joseph Benzacar à la Faculté de droit de Bordeaux. Le professeur est en effet à l’origine d’une série de thèses d’histoire économique, qu’il inspirait et dirigeait. Cette impulsion provoquera une progression fulgurante des thèses de science économique à Bordeaux à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Entre 1870 et 1895, les thèses de science économique ne représentaient que 0,3% des sujets traités. Mais entre 1895 et 1940, soit pendant l’activité de Joseph Benzacar (qui enseigne entre 1896 et 1933) les thèses d’économie passent à 13% du total, avec une forte proportion de sujets d’économie locale33. Pénétré par l’importance des études économiques locales, Joseph Benzacar finira par devenir le champion de ce qu’il considérait comme une activité scientifique d’avenir. Il ne cessera de militer pour la multiplication des thèses et des travaux de recherche en la matière34. Avec Gaétan Pirou, il à est l’origine de la création, en 1921, de l’Institut d’études et de documentation économiques et sociales, qu’il dirigera jusqu’à son départ la retraite, en 1932193335. Toutefois, si l’histoire économique reste sans conteste le terrain privilégié des recherches scientifiques de Joseph Benzacar, il n’en négligeait pas pour autant ce que l’on pourrait appeler l’ « économie positive », c’est-à-dire l’étude des phénomènes contemporains qui se déroulaient sous ses yeux. En ce sens, il deviendra rapidement l’un des meilleurs connaisseurs de l’économie sociale de son temps. b-) Le spécialiste d’économie sociale Joseph Benzacar est également l’auteur de quatorze études d’économie sociale. Dévoilant un talent certain de sociologue et de démographe, il s’intéresse à la population et à ses composantes. En 1900, il livre une réflexion sur « La dépopulation de la France et la 28

« Fondements de la politique des vins dans la sénéchaussée de Bordeaux (XVIIIe siècle) » dans Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, décembre 1907, p. 529-546. 29 Fondements juridiques de la délimitation du crû bordelais (l’appellation et la marque « Bordeaux »), Bordeaux, Barthélémy, 1910. Cet article fait suite à une conférence prononcée le 23 mai 1910 à l’Athénée de Bordeaux. 30 Dans la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 1916-1917, et brochure, Bordeaux, Gounouilhou, 1918 (98 p.). 31 Cet article valut à Joseph Benzacar les félicitations du Directeur de l’enseignement supérieur au Ministère de l’Instruction publique, le 8 février 1919. Mais, en dépit des souhaits exprimés par le haut fonctionnaire, Joseph Benzacar ne publia jamais la deuxième partie de ce travail. 32 Département de la Gironde : documents relatifs à la vente des biens nationaux : T. 1 en deux volumes, (districts de Bordeaux et de Bourg), Bordeaux, Cadoret, 1911, 710 p. (390+320), et T.2 (districts de Bazas, Cadillac, La Réole, Lesparre et Libourne), Bordeaux, Cadoret, 1912, 646 p. 33 AKBARALY (Sarah), « Le doctorat en droit à Bordeaux sous la IIIe République (1870-juillet 1940) », dans Thémis dans la Cité, actes du colloque de Bordeaux des 9 et 10 octobre 2008, Bordeaux, Presses universitaires, 2009, p. 313-356. Sur Joseph Benzacar, voir les p.330, et 350-351. 34 Voyez par exemple le vibrant plaidoyer qu’il fait paraître en 1911 dans la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde : « L’histoire locale et l’Université de Bordeaux », p. 5-8. 35 Voir : MALHERBE (Marc), La Faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), op.cit., p. 237-239.

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recherche de la paternité »36, suivie deux ans plus tard de « L’ouvrière au XXe siècle », travail issu d’une conférence prononcée le 15 mars 190237. On trouve également, dans le même ordre d’idées : « Economie locale : mouvement de la population à Bordeaux »38, et « Le bien de famille »39. Les mécanismes économiques, en particulier dans la région bordelaise, retiennent également son attention : « Economie locale : Chambre syndicale des employés de commerce de la ville de Bordeaux »40, « Essai sur le marchandage »41. Tous ces travaux sont toujours orientés dans un sens concret. Joseph Benzacar n’est pas l’homme des théories économiques. Il a sans cesse le souci de situer ses investigations au sein de l’économie réelle de son temps. C’est dans cet esprit, qu’en 1907, il publie : « Libres propos économiques : le chômage involontaire »42, suivie de « L’économie du paiement »43, dans lequel il dresse un bilan comparatif des moyens de paiement en France et en Angleterre. Dans « Le coût de la vie et le protectionnisme »44 , Joseph Benzacar établit encore une comparaison entre la France et l’Angleterre, la première protectionniste, la deuxième libre-échangiste. Il conclut que l’économie anglaise est bien supérieure à la française, ce qui l’incite à recommander la suppression progressive du protectionnisme. Son dernier article relève de la même veine : « Le devoir économique : intermédiaire, consommateur, producteur »45. On note enfin que Joseph Benzacar connaissait aussi le monde le la finance. Il est l’auteur de trois études sur cet objet : « De la répartition des capitaux en France »46, « La valeur locative des usines en France »47, et « Les industries américaines »48. On lui doit enfin la préface du livre de René Douilhet : Manuel pratique de crédit agricole mutuel. Cette vue générale sur l’œuvre scientifique de Joseph Benzacar nous permet d’appréhender toute l’étendue de son savoir. Il est incontestablement un savant économiste, doublé d’un historien. Mais cet immense savoir est mis au service de ses contemporains. Cette propension marquée pour les problèmes sociaux sera décisive, et incitera sans doute le professeur-avocat à entrer en politique, ce qu’il fera au cours du premier conflit mondial. II-) L’HOMME POLITIQUE ENGAGE C’est en 1912 que Joseph Benzacar apparaît sur la scène politique bordelaise. Cette année là les élections municipales se déroulent les 5 et 12 mai. Candidat radical socialiste, Benzacar ne sera pas élu. Mais son entrée en politique coïncide avec une forte poussée socialiste à Bordeaux, consécutive au mouvement d’unité qui rassemble les partisans des idées de Jaurès49. Persévérant, Joseph Benzacar se présente deux ans plus tard aux élections législatives du 26 avril 1914. Candidat dans la première circonscription de

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Dans la Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 3ème année, 1900, p. 3-22. Revue des questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, Lyon, 1902, p. 3-12. 38 Revue économique de Bordeaux, 15ème année, N° 91, juillet 1903, p. 116-125. 39 Ibid., 1905, 16 p. 40 Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1er mars 1898, p. 1-16. 41 Ibid., 2ème année, N° 5, 1899, p. 1-12. 42 Dans Revue populaire d’économie sociale, mars 1907, p. 65-77. 43 Bulletin mensuel des jeunesses républicaines du Sud-Ouest, première année, N° 1, avril 1917, p. 10-15. 44 Issu d’une conférence prononcée à la Ligue du libre échange de Bordeaux le 14 avril 1913 (éd. du bureau du Journal des économistes, 1913, p. 3-21). 45 Comité Michelet : Bulletin d’études historiques politiques et sociales, 4ème année, août 1918, p. 341-355, et brochure, Paris, Ténin,, 1918, 15 p. 46 Dans Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 6ème année, N° 12, 1903, p. 3-16. 47 Revue des questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, Lyon, 1904, p. 146-156. 48 Revue économique de Bordeaux, 16ème année, T. 14, N° 94, janvier 1904, p. 3-5. 49 Histoire de Bordeaux (dir. Charles HIGOUNET), T. VI, Bordeaux au XIXe siècle, Bordeaux, Delmas, 1969, p. 339 et s. 37

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Bordeaux, il est largement battu, et n’obtient que 660 voix50. La première guerre mondiale interrompt momentanément l’ascension politique de Joseph Benzacar51, et ce n’est qu’aux élections municipales de 1925 qu’il deviendra un élu bordelais. Homme de gauche, il sut saisir sa chance, puisque depuis l’année précédente, le Bloc National avait cédé la place au Cartel des Gauches à l’échelon national. Alliés au Parti Socialiste S.F.I.O. d’Adrien Marquet, les Radicaux-socialistes entrent au Conseil municipal de Bordeaux, et avec eux Joseph Benzacar. C’est d’ailleurs ce dernier qui, en tant que doyen d’âge (il avait alors 63 ans), fut appelé à présider la première réunion du nouveau conseil municipal, à l’issue de laquelle Adrien Marquet fut désigné maire de la ville. Dès lors, le sort politique de Joseph Benzacar sera lié à celui de Marquet. Réélu en 1929 puis en 1935, il restera pendant quinze ans conseiller municipal de Bordeaux. a-) Le militant radical-socialiste La présence d’un professeur de droit au sein de l’équipe municipale bordelaise est loin de constituer une curiosité à l’époque. Au contraire, Joseph Benzacar s’inscrit dans une sorte de tradition qui veut que depuis 1870, date de la création de la Faculté de droit de Bordeaux, un professeur de droit a toujours fait partie du conseil municipal de Bordeaux52. Cependant, au sein du corps professoral bordelais, Joseph Benzacar fait quelque peu figure d’exception. Ses idées s’opposent à celles de ses collègues, dont certains illustres, comme le célèbre doyen Léon Duguit. Avant lui, les professeurs de droit membres du Conseil municipal de Bordeaux étaient plutôt des hommes de droite, le plus souvent républicains libéraux, comme Henri Barckhausen, Frantz Despagnet, ou encore Paul de Loynes. Même Léon Duguit, conseiller municipal de 1908 à 1912, en dépit du caractère inclassable de sa pensée, se démarquait nettement des opinions de Joseph Benzacar. C’est ainsi que Duguit était favorable au scrutin proportionnel, à la loi militaire des trois ans, et hostile à l’impôt sur le revenu53. Autant de positions totalement opposées à celles de Joseph Benzacar, dont la pensée se situait plutôt dans la mouvance de celle de Léon Bourgeois. Son appartenance au parti radical socialiste s’inscrit dans une tendance plus large. En effet, l’Entre-deux-guerres voit une proportion très significative de députés juifs siéger dans les rangs des partis désireux de réformer l’ordre social. Beaucoup adhèrent au parti socialiste. Cette inflexion de la vie politique française est tout à fait intéressante, et Joseph Benzacar y participe. Il est certain qu’à la fin du XIXe siècle, beaucoup de juifs étaient des modérés de droite, et considéraient les socialistes avec méfiance, voire avec hostilité54.

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GINESTOUS (Etienne), Histoire politique de Bordeaux sous la IIIe République, Bordeaux, Bière, 1946, p. 279. 51 Pendant la grande guerre, trop âgé pour être mobilisé, il se met malgré tout au service de son pays. Il sera attaché au bureau de presse du Ministère des Affaires étrangères du 6 septembre 1914 au 5 janvier 1915, puis au bureau de presse de la XVIIIe région militaire du 5 janvier au 2 mars 1915. Il prononcera en outre plusieurs conférences sur les emprunts de guerre (Archives départementales de la Gironde, VT111, liasse N° 91, dossier administratif de Joseph Benzacar, années 1914-1915). 52 Voir MALHERBE (Marc), La Faculté de droit de Bordeaux, op.cit., p. 141-143. 53 BLANQUER (Jean-Michel) et MILOT (Marc) Autour de Léon Duguit, communication pour la commémoration du 150e anniversaire de la naissance de Léon Duguit, Bordeaux, 29 mai 2009 (actes à paraître). Voir également PACTEAU (Bernard), « Léon Duguit à Bordeaux, un doyen dans sa ville », dans Thémis dans la Cité, actes du colloque des 9 et 10 octobre 2008, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2009, p. 87 à 105. 54 BIRNBAUM (Pierre), « L’entrée en République : le personnel politique juif sous la IIIe République », dans Idéologies, partis politiques et groupes sociaux, études en l’honneur de Georges Lavau, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1989, p. 89-100.

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Fidèle aux idées de Léon Bourgeois, Joseph Benzacar fait de la solidarité le pilier de son action politique55. Cependant, Léon Bourgeois n’était pas son unique guide. Nous savons que Joseph Benzacar était également sensible aux thèses de Frédéric Le Play. Il fréquentera les Unions de la paix sociale de Guyenne de 1891 à 1893. Ce bref militantisme lui permit d’animer une réunion consacrée aux accidents du travail, sujet qu’il connaissait particulièrement bien, puisqu’il venait de soutenir sa thèse sur ce thème en 1890. On peut s’interroger sur ce court épisode leplaysien dans la vie de Joseph Benzacar. Il quitte les Unions de la paix sociale de Guyenne en 1893. On ignore tout des motifs de sa démission. Etait-il gêné par la tendance chrétienne nettement affirmée de ce mouvement ? Etait-il en désaccord personnel avec certains membres ? S’était-il inscrit seulement pour être connu et se faire un nom, lui qui n’était encore qu’un jeune avocat ? On ne sait56. Il est également vrai qu’à l’époque où Joseph Benzacar quitte les Unions de la paix sociale, la doctrine leplaysienne est en perte de vitesse, supplantée justement par le radicalisme de Léon Bourgeois, dans une ambiance anticléricale de plus en plus prononcée. Quoi qu’il en soit, Joseph Benzacar devient un véritable promoteur de la vie associative. On compte difficilement les associations dont il fut membre ou fondateur, tant elles sont nombreuses. Dès 1887, alors qu’il était encore étudiant, il fut l’un des créateurs et le premier président de l’Association générale des étudiants. Devenu professeur, il en restera toujours membre d’honneur, et présidera le Comité des anciens étudiants. Plus tard il se trouvera à l’origine de la Société d’économie politique, dont il sera vice-président, de la Revue économique de Bordeaux, qu’il présidera pendant longtemps, et de la Société philomathique, dont il appréciait la revue, au point de lui confier plusieurs articles. Secrétaire du Comité local de publication des documents de la Révolution française, il fut aussi vice-président de l’Institut colonial. Dans le domaine politique et social, il fut membre de la Commission départementale d’action économique, et administrateur du Bureau de bienfaisance, ce qui lui permettait de mettre ses connaissances et son dévouement au service des plus démunis57. En 1921, il met en place une Commission régionale du coût de la vie. Avec le rabbin Cohen, il participe à l’aménagement d’une maison de retraite à Bordeaux, inaugurée le 29 juin 193458. Très actif au sein des mouvements associatifs auxquels il participait, sa science des questions économiques était très appréciée, et par conséquent très sollicitée. Rapporteur de nombreux congrès, ses conférences étaient très prisées, et la presse locale friande d’articles : il écrivit dans La France, La Dépêche, le Journal des arrêts de Bordeaux, etc.59. Cet altruisme, issu de ses convictions politiques, conduisait parfois Joseph Benzacar à se heurter avec ses collègues de la Faculté de droit. C’est ainsi qu’en 1902, il réclame la création d’une licence spécialisée d’économie politique à l’attention des étudiants se destinant à l’administration, au commerce ou à l’industrie, attitude jugée exagérément progressiste, alors que l’immense majorité des autres enseignants bordelais ne recommandaient qu’une légère ouverture en direction de ce nouveau public. Tant d’audace de la part d’un tout jeune professeur suffit à classer Joseph Benzacar parmi les « trublions », et semble même lui avoir coûté une

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Sur ce point, voir GAUDEMET (Yves-Marie), Les juristes et la vie politique de la IIIe République, Paris, P.U.F., 1970, p. 43-47. 56 Sur le passage de Joseph Benzacar au sein du mouvement leplaysien, voir GUERLAIN (Laetitia), « Quand les élites se convertissent à la science sociale : Les Unions de la paix sociale de Guyenne (1881-1914) », dans Les Etudes sociales, 2008, N° 147-148, p. 119-160, en particulier les p.139, 146, 149 et 158. 57 GARRIGOU-LAGRANGE (André), « Eloge de Joseph Benzacar », op.cit., Annales de la Faculté de droit de l’Université de Bordeaux, 1950. 58 NAHON (Gérard), Juifs et judaïsme à Bordeaux, Bordeaux, Mollat, 2003, p. 265 et 273-274. 59 GUERIN (Jean et Bernard), Des hommes et des activités autour d’un demi-siècle (1887-1957), éd. B.E.B., Bordeaux, 1957, p. 65-66.

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promotion à la première classe60. Cette sorte d’ostracisme ne découragera pas Joseph Benzacar, puisque deux ans plus tard, on le retrouve au sein d’un groupe de treize professeurs tentant de mettre sur pied une association des professeurs des facultés de droit. Cette association ne verra le jour qu’en octobre 1908, à la suite d’un second projet, et comptera dans ses rangs un autre enseignant juriste bordelais, Paul de Loynes, professeur de droit civil. Mais Joseph Benzacar ne fera pas partie de ce deuxième comité fondateur61. La ferveur associative est donc l’une des composantes essentielles de l’engagement politique de Joseph Benzacar. Mais, comme nous le savons, c’était un homme d’action. Son élection, lors du scrutin municipal de 1925, lui offrira l’occasion de déployer tout son altruisme au sein du Conseil municipal de Bordeaux. b-) Le conseiller municipal Elu pour la première fois en 1925, sans cesse reconduit dans ses fonctions jusqu’à sa démission forcée en 1940, Joseph Benzacar est intimement lié à l’histoire municipale de Bordeaux pendant les quinze dernières années de l’Entre-deux-guerres. Aux élections de 1929, il est rejoint dans la municipalité dirigée par Adrien Marquet par son collègue Robert Poplawski, lui aussi professeur à la Faculté de droit de Bordeaux. Tous deux seront réélus en 1935. Joseph Benzacar était un soutien inconditionnel de son maire, Adrien Marquet, auquel il vouait une admiration sans bornes. Chargé, en tant que doyen d’âge, de présider le premier conseil municipal à l’ouverture de chaque nouveau mandat municipal, il ne manquait jamais d’encenser l’action de son maire. Au fil des ans, les allocutions de Joseph Benzacar sont de plus en plus dithyrambiques à l’égard du premier magistrat de la cité bordelaise. En 1935, il va même jusqu’à comparer Marquet à l’intendant Tourny !62 Au cours de ses trois mandats successifs, Joseph Benzacar exerça les responsabilités d’adjoint au maire de Bordeaux, tantôt à la Commission du contentieux, ce qui était naturel pour un professeur à la Faculté de droit, tantôt dans les diverses commissions culturelles créées par Adrien Marquet. Ce dernier, en effet, avait décidé de révolutionner le gouvernement local de la culture au point de fonder cinq commissions, alors que les municipalités précédentes n’en avaient jamais mis plus de deux sur pied. Joseph Benzacar fut ainsi délégué au Comité d’inspection et d’achat des livres, membre du Comité consultatif des beaux-arts, du Comité d’inspection et de surveillance des établissements de spectacle, et du Comité de publication des archives municipales63. Mais Joseph Benzacar a également fait partie de la Commission

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MILET (Marc), Les professeurs de droit citoyens. Entre ordre juridique et espace public, contribution à l’étude des interactions entre les débats et les engagements des juristes français (1914-1995), thèse, droit, Paris (dactyl.), 2000, p. 32 et 66. 61 Ibid., p. 74 à 79. L’Association des professeurs des facultés de droit est due à l’initiative de Maurice Hauriou, professeur de droit public puis doyen de la Faculté de droit de Toulouse, mais ancien étudiant bordelais. Voyez SACRISTE (Guillaume), Le droit de la République (1870-1914). Légitimation(s) de l’Etat et construction du rôle de professeur de droit constitutionnel au début de la Troisième république, Thèse, Science politique, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 2002 (dactyl.), p. 546 à 567, plus particulièrement p. 559-560 et notes 189-190 sur le rôle personnel de Joseph Benzacar. 62 On trouve de larges extraits des discours de Joseph Benzacar dans GINESTOUS (Etienne), Histoire politique de Bordeaux sous la IIIe République, op. cit., p.373-374 (pour les élections de 1929), et 412-413 (pour les élections de 1935). Voir aussi : BENECH (Marie-Françoise), L’architecture et l’urbanisme à Bordeaux sous la municipalité d’Adrien Marquet (1925-1944), thèse, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, 2003, p. 90, et BONIN (Hubert), LACHAISE (Bernard) et TALIANO des GARETS (Françoise), Adrien Marquet : les dérives d’une ambition, Bordeaux-Paris-Vichy (1924-1955), Bordeaux, éd. Confluences, 2007, p. 86 et note 16 p. 362. 63 BONIN (Hubert), LACHAISE (Bernard) et TALIANO des GARETS (Françoise), op. cit., p. 118.

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de l’Etat civil, de celle des inhumations, et s’occupa même de la Régie de l’habillement en 192964. Pendant presque vingt ans, la municipalité d’Adrien Marquet se caractérisera par un remaniement profond de l’architecture publique bordelaise. Beaucoup plus audacieux que ses prédécesseurs en la matière, Marquet inaugure une politique de grands travaux destinée à doter Bordeaux d’équipements publics de grande qualité. La ville y gagne une modernisation spectaculaire. Joseph Benzacar participe à ce vaste mouvement que l’on désigne parfois sous le nom de « plan Marquet »65. L’architecture de béton permet la construction des abattoirs, d’une cité universitaire, de la piscine municipale, de la Bourse du travail, et surtout du stade municipal, inauguré pour la coupe du monde de football en 1938. Ces grandes réalisations marquent profondément la ville et lui confèrent encore une grande partie de ses caractéristiques architecturales propres. Sans doute est-ce la raison pour laquelle Joseph Benzacar considérait Marquet comme le Tourny du XXe siècle ? Ce bel élan sera brusquement interrompu par la déclaration de guerre de 1939 et la défaite des armées françaises en 1940. La vie politique de Joseph Benzacar s’achèvera brutalement. Les quatre dernières années de son existence seront celle d’un martyr. III-) LE MARTYR A partir du mois de mai 1940, la vie bordelaise est totalement bouleversée par les évènements. Encombrée par une foule de réfugiés, la ville doit en outre abriter le gouvernement de la France, au sein duquel Marquet occupe un poste de ministre d’Etat chargé de l’Intérieur : il conservera cette fonction pendant quelques semaines tout en poursuivant la gestion des affaires bordelaises66. La suite est bien connue : l’occupation allemande, la politique anti-juive cautionnée par Pétain et activée par Laval, tout ceci précipite le sort des juifs bordelais en général et celui de Joseph Benzacar en particulier. La fin de l’année 1940 inaugure ce que l’on peut dénommer sans exagération une persécution, dont l’aboutissement sera l’extermination à Auschwitz. Cependant, bien que le déroulement des faits soit aujourd’hui fermement établi, l’écheveau des responsabilités présente encore quelques obscurités, qu’il convient de tenter de résoudre. a-) La persécution Pour Joseph Benzacar, la persécution subie par le simple fait qu’il était juif se déroule en trois étapes, allant crescendo dans l’horreur. Il s’agira tout d’abord de l’ostracisme juridique consécutif aux lois anti-juives. Mais les brimades prendront très vite un aspect plus personnel avec la réquisition de son habitation. Enfin, le stade ultime sera celui de l’élimination physique dans le cadre de la Shoah. Joseph Benzacar a tout d’abord dû se plier à l’humiliation du recensement des juifs de Bordeaux. Celui-ci est effectué en septembre 1940, et, à la date du 27 de ce mois, Joseph Benzacar est inscrit sous le N° 426, son épouse Juliette au N° 427 et leur fils Pierre, alors

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On trouvera la liste complète des trois municipalités d’Adrien Marquet (17 mai 1925, 19 mai 1929 et 5 mai 1935), dans Histoire des maires de Bordeaux, Bordeaux, Les dossiers d’Aquitaine, 2008, p. 382. 65 Histoire de Bordeaux (dir. Ch. Higounet), T.VII (dir. Joseph LAJUGIE), Bordeaux, Delmas, p. 69-71. L’ouvrage de référence en la matière est celui de Marie-Françoise BENECH, cité supra : L’architecture et l’urbanisme à Bordeaux sous la municipalité d’Adrien Marquet (1925-1944), thèse, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, 2003. 66 Pour le détail des péripéties de la vie politique bordelaise en 1939-1940, voir le récit minutieux de L.G. PLANES et Robert DUFOURG : Bordeaux, capitale tragique, Paris, éd. Médicis, 1956, p. 57 à 172.

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stagiaire à la cour d’appel de Bordeaux reçoit le N° 42867. Joseph Benzacar est ensuite victime de ce que l’on appelle le « premier statut juif ». Il s’agit des textes édictés par le gouvernement de Vichy à partir du 3 octobre 194068. C’est ainsi que la loi portant statut des juifs du 3 octobre 1940 interdit aux israélites, dans son article 2 al.1, l’accès et l’exercice de toutes fonctions publiques et la participation à toutes assemblées issues de l’élection. Joseph Benzacar n’est pas touché en tant que professeur de droit, puisqu’il est retraité depuis 193369, mais il est interdit de Conseil municipal de Bordeaux. Il renoncera au bénéfice de l’article 8 de la loi du 3 octobre, qui permettait d’exempter les juifs ayant rendu des services exceptionnels à la France dans les domaines littéraire, scientifique et artistique. Joseph Benzacar quitte donc la mairie de Bordeaux, non sans avoir adressé une lettre émouvante à son maire, Adrien Marquet, le 21 octobre 1940 : « Monsieur le Maire, En exécution du statut des juifs en date du 18 octobre, j’ai été déchu sans sursis du mandat de Conseiller Municipal et, dans un délai de deux mois, du titre honorifique de membre du Corps enseignant. Né à Bordeaux en 1862, étudiant, Avocat à la Cour, Professeur à la Faculté de Droit de Bordeaux pendant plus de trente-cinq ans, Adjoint au Maire de Bordeaux pendant plus de quinze années, je suis désormais classé parmi les citoyens à capacité réduite. Vainement mon bisaïeul aura fixé son domicile à Bordeaux en 1781, tous ses enfants et descendants, dont mon grand-père, seront nés à Bordeaux en 1789, en 1826, seront décédés dans cette ville, je suis devenu, à 78 ans, un Français de qualité inférieure. Au surplus, je ne réclame point l’octroi d’un relèvement d’incapacité prévu par l’article 8 du Statut. Je n’ai point rendu à l’Etat français des services exceptionnels. Je me suis exclusivement efforcé de remplir mon devoir dans toutes les branches de mon activité. Mes étudiants, mes condisciples, mes confrères, mes collègues m’ont constamment témoigné leur estime, leur sympathie. Aujourd’hui, mon rôle social est achevé. L’ancien doyen du Conseil Municipal doit remplir un dernier acte : exprimer à tous les regrets de la rupture imprévisible d’une longue collaboration amicale. Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de mes sentiments affectueusement respectueux. Signé Benzacar 70». Cette lettre de démission n’est pas 67

Commission extramunicipale d’étude de la spoliation des biens juifs à Bordeaux, rapport d’étape, octobre 2002, annexe N° III, p. 31-32, 27 septembre 1940, Archives municipales de Bordeaux, cote provisoire 1112 W 15. Constituée en 1999, la Commission extramunicipale ne peut livrer au public que des statistiques générales. En vertu de la protection légale de la vie privée garantie par l’art.9 du Code civil, et de la règlementation relative à la communication des documents administratifs découlant des arts. 6 et 13 de la loi du 17 juillet 1978 complétés par la loi du 12 avril 2000, les éléments d’information privés ne sont communicables qu’aux ayantsdroit directs des victimes de la spoliation. Malgré tout, on découvre certains tableaux dans lesquels les noms des juifs bordelais spoliés apparaissent. Tel est le cas pour Joseph Benzacar, ce qui nous permet de mieux cerner les vexations et les brimades dont il fut l’objet avec sa famille. 68 Pour la lettre des textes, on se reportera au petit ouvrage très pratique de LOCHAK (Danièle), Le droit et les juifs en France depuis la Révolution, Paris, Dalloz, 2009, plus particulièrement p. 87-99. Il faut remarquer qu’à partir de la loi du 3 octobre 1940, une véritable avalanche législative s’abat sur les juifs : dans l’année suivant ce statut, ce sont plus de 60 textes anti-juifs qui sont promulgués, au rythme d’un par semaine. Cette frénésie est entretenue par le Garde des Sceaux Alibert, aidé par quelques juristes, parmi lesquels Joseph Barthélémy : SINGER (Claude), Vichy, l’Université et les juifs, Paris, Les Belles lettres, 1992, p.71, 76, 89 et s. On consultera également avec profit : ORY (Pascal), « L’Université française face à la persécution antisémite », dans La France et la question juive, Centre de documentation juive contemporaine, éd. Sylvie Messinger, 1981, p. 79-94. N’oublions pas enfin qu’en France, pendant l’Entre-deux-guerres, beaucoup étaient favorables à l’expulsion des juifs du territoire, ou au minimum à leur encadrement par le moyen d’un statut qui permettait à la fois de les contrôler et d’en faire des étrangers sur le sol français : SCHOR (Ralph), L’antisémitisme en France dans l’Entre-deux-guerres, Bruxelles, éd. Complexe, 2005, p. 183-197. 69 Sur le problème général de l’épuration de la fonction publique après les lois des 17 juillet et 3 octobre 1940, consulter l’étude de BODINEAU (Pierre), « L’exclusion des juifs de la fonction publique : l’exemple de la Côted’Or », dans Le droit antisémite de Vichy, Paris, Seuil « Le genre humain », 1996, p. 327-337. 70 Cette lettre, ainsi que d’autres renseignements sur Joseph Benzacar, nous sont parvenus grâce à l’obligeance de Mme. Christiane DEROBERT-RATEL, maître de conférences à l’Université de Toulon et du Var, que nous tenons à remercier très vivement ici pour son aide précieuse. Les historiens connaissent bien cette missive à

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seulement émouvante : elle est également pleine d’amertume. Ne peut-on pas y déceler une immense déception au travers des « sentiments affectueusement respectueux » ? Benzacar ne peut sans doute pas oublier que la loi du 3 octobre 1940 est l’œuvre d’un gouvernement dont faisait partie Marquet... En effet, ce dernier est resté ministre d’Etat puis ministre de l’Intérieur de Pétain du 23 juin jusqu’au 5 septembre 1940 : il ne pouvait donc pas ignorer la préparation du statut des juifs du 3 octobre. Déchu de son mandat municipal, Joseph Benzacar devait également connaître la contrainte de la réquisition d’une partie de son domicile et de ses biens. Le pillage des biens juifs est encore mal connu. Les rares études traitant de ce délicat et douloureux problème sont encore très générales, et ne dévoilent pratiquement aucun exemple concret71. A Bordeaux, le pillage touchera toutes les classes sociales représentées dans la communauté juive. Et la spoliation y est très précoce, puisqu’elle devient systématique dès la parution du « premier statut des juifs », en octobre 194072. Nous ignorons à quel moment la résidence de Joseph Benzacar fut partiellement confisquée73. Mais, en dépit de l’absence de pièces officielles, nous savons par des témoignages contemporains que son domicile fut partagé en deux parties, dont l’une affectée aux besoins de l’occupant, et l’autre laissée à la disposition de la famille Benzacar. En 1950, André Garrigou-Lagrange, collègue de Joseph Benzacar à la Faculté de droit de Bordeaux et professeur d’économie politique écrit : « Il (n.b. Joseph Benzacar) fut victime de la persécution antisémite. On le priva de la plus grande partie de son appartement, de ses meubles, de ses livres, de ses souvenirs. A plus de 80 ans, il était confiné dans une des rares pièces qu’on lui laissait : il remplissait des fiches et des dossiers établissant les gloires et les bienfaits d’Israël !..74 Nous savons enfin que le compte bancaire de Joseph Benzacar a été bloqué et saisi en 1942, avec les 1640,10 francs qu’il contenait. Il fut même obligé de déclarer son poste de T.S.F.75. Il restera à la famille Benzacar à subir l’ultime étape de la « solution finale », c’est-àdire celui de l’élimination physique. Ce sera chose faite en mai 1944. Ici, les circonstances sont bien connues, grâce au procès de Maurice Papon, principal responsable de l’arrestation et de la déportation des juifs bordelais dans les sinistres « convois » qu’il organisait. En outre, il Adrien Marquet. Gérard NAHON ne l’ignore pas, mais se trompe en affirmant que Benzacar perd sa chaire universitaire à la suite du « premier statut des juifs » : il n’est déchu que de l’honorariat, puisqu’il était retraité depuis onze années : Juifs et judaïsme à Bordeaux, Bordeaux, Mollat, 2003, p. 289 et 300. 71 Voyez par exemple, WIEVIORKA (Annette) et AZOULAY (Floriane), Le pillage de l’appartement et son indemnisation, Paris, La Documentation française, 2000. Publié dans le cadre de la Mission d’étude sur la spoliation des biens juifs, ce travail ne cite aucun patronyme, et ne propose qu’une analyse globale. 72 BATANERO (Sébastien), Les réquisitions d’immeubles à Bordeaux pendant la seconde guerre mondiale, T.E.R. Université Michel de Montaigne-Bordeaux III (dir. Christophe Bouneau), Bordeaux, 2001, p. 103-128, et, du même, « Les réquisitions d’immeubles à Bordeaux pendant la seconde guerre mondiale », dans Etude de la spoliation des biens juifs à Bordeaux durant la seconde guerre mondiale, recueil des textes principaux, Mémoire de Bordeaux, documents, N° 14, Bordeaux, 2002, p. 141-151, en particulier p. 149. 73 Il habitait au N° 29 de la rue Emile Fourcand à Bordeaux. Le deuxième Rapport d’étape de la Commission extramunicipale d’étude de la spoliation des biens juifs à Bordeaux (paru en décembre 2000), reste très vague à ce sujet. Il indique seulement le nombre de dossiers ouverts par le Commissariat général aux Questions juives entre 1940 et 1944. On y découvre (p. 29) que 8 immeubles occupés par des juifs sont réquisitionnés rue Emile Fourcand, mais sans autre précision : le logement de Joseph Benzacar figure à coup sûr parmi ces immeubles. Pour la chronologie bordelaise générale de la spoliation des biens juifs, on consultera le premier Rapport d’étape de la Commission extramunicipale d’étude de la spoliation des biens juifs à Bordeaux, (novembre 1999), éd. Mémoire de Bordeaux, de la Communauté urbaine et de ses communes (dactyl.), Archives municipales de Bordeaux, cote provisoire 1112 W 15. 74 GARRIGOU-LAGRANGE (André) Eloge de Joseph Benzacar, op. cit., Annales de la Faculté de droit de l’Université de Bordeaux, 1ère année, 1950, fasc. 1, Bordeaux, Bière, 1950. 75 Commission extramunicipale d’étude de la spoliation des biens juifs à Bordeaux, Rapport d’étape N° 2, décembre 2000, annexe, analyse de la sous-série AJ 38 des archives du Commissariat général aux Questions juives, p. 3, et Rapport final, p. 13, N° 284. Le compte était ouvert au Comptoir National d’Escompte. Voir également l’annexe relative aux déclarations des postes de T.S.F. à Bordeaux, p. 5, N° 63.

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faut savoir que la milice s’installe à Bordeaux en mars 1944, sous le commandement du colonel Franc, ce qui aggrave la situation des juifs76. Joseph Benzacar sera victime de la rafle des 4 et 5 février 1944, préparée depuis le 27 janvier par la préfecture de la Gironde. Il s’agissait d’arrêter tous les juifs se trouvant hospitalisés, en maison de retraite, ou placés dans un sanatorium, c’est à dire concrètement les malades et les vieillards77. Joseph Benzacar est arrêté en compagnie de sa femme Juliette, de son frère Nathaniel et de sa belle-sœur Emma78. Le fourgon les transportant stationnera un temps devant la prison du fort du Hâ à Bordeaux, puis sera dirigé vers le camp de transit de Mérignac79. Les prisonniers restent là jusqu’au 13 mai 1944, jour du départ pour Drancy depuis la gare Saint-Jean. Ils arrivent le lendemain 14 mai à Drancy et y restent quelques jours80. Le 20 mai, départ pour Auschwitz, où le convoi N° 74 arrive le 25 mai : le même jour tous les déportés du train sont exécutés, et avec eux les quatre membres de la famille Benzacar81. Avec cet ultime convoi de 57 personnes juives, malades ou âgées, Papon rejoint dans l’abominable les premiers convois de 1943 remplis d’enfants en bas-âge82. Cependant, en dépit de la chronologie très précise de ce drame, certaines interrogations subsistent, en particulier sur la responsabilité de l’arrestation, et donc de la mort de Joseph Benzacar et de sa famille. b-) Les responsabilités Il n’est évidemment pas question de revenir et encore moins de réviser la question de la responsabilité de Maurice Papon dans l’arrestation et la déportation de Joseph Benzacar et de sa famille. Reconnu coupable, il a été condamné pour ce fait, et sa culpabilité ne fait plus de doute. En revanche, le rôle d’Adrien Marquet, maire de Bordeaux est loin d’être élucidé. En évoquant la présence de Joseph Benzacar dans la rafle de février et dans le convoi du mois de mai 1944, beaucoup d’analystes relèvent l’inertie de Marquet, et en déduisent qu’il n’a rien fait pour tenter de sauver son adjoint. Michel Slitinski observe même qu’aucun document ne montre une quelconque intervention en faveur de Joseph Benzacar. Il est donc semble-t-il aisé de déduire que Marquet est resté indifférent au sort de celui qui se considérait comme son ami, et qui lui vouait une grande admiration.

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SARRAZIN (Hélène), Bordeaux. Adrien Marquet, éd. CMD, Montreuil, 1999, p. 71. Le colonel Franc fut si actif dans sa détestable besogne qu’en comparaison, le maire Marquet pouvait passer pour un résistant ! 77 Pour les détails et l’organisation de la rafle, voir GANDINI (Jean-Jacques), Le procès Papon : histoire d’une ignominie ordinaire au service de l’Etat, Paris, E.J.L., 1999, p. 76-79. 78 Papon informera le gouvernement du succès de l’opération le 8 février 1944 : BOULANGER (Gérard), Maurice Papon, un technocrate dans la collaboration, Paris, Seuil, 1994, p. 243. 79 Très peu d’études on été réalisées sur ce camp de Mérignac, dont il ne reste que le souvenir, matérialisé par un wagon de déportation symbolisant les souffrances endurées en ce lieu : Consulter cependant : BECAMPS (Pierre) Libération de Bordeaux, Paris, Hachette, 1974, p.116-120, ainsi que le livre de Paul LEVY : Elie Bloch. Etre juif sous l’occupation, La Crèche, éd. Geste, 1995. 80 Joseph Benzacar est interné à Drancy sous le matricule N° 21912 (Reçu N° 4238, carnet de fouilles N° 134). Son épouse Juliette est portée sous le matricule N° 21913, Nathaniel Benzacar, frère de Joseph, reçoit le matricule 21914, et son épouse Emma, belle-sœur de Joseph, le 21915. Voir aussi : KLARSFELD (Serge), L’affaire Papon : une documentation, éd. Association des fils et filles des déportés juifs de France, Paris s.d., cahier de fac-simile N°7 : liste des transferts des juifs de la région préfectorale de Bordeaux vers le camp de Drancy, dernier convoi du 13 mai 1944. 81 SLITINSKI (Michel), L’affaire Papon, Paris, A. Moreau, 1983, p. 133 et s. 82 POIROT-DELPECH (Bertrand), Papon : un crime de bureau, Paris, Stock, 1998, p. 226. Au cours du procès de Maurice Papon, une manifestation a été organisée à l’intérieur du Palais de justice de Bordeaux, avant l’audience du lundi 13 octobre 1997. Me. Favreau, avocat de la Ligue des droits de l’homme et partie civile, rappellera le sort de la famille Benzacar dans son allocution. L’essentiel de ses propos, rapportés dans le Compte-rendu sténographique du procès de Maurice Papon (T. 1, Paris, A. Michel, 1998), est tiré du livre de Michel SLITINSKI : Procès Papon : le devoir de justice, La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 1997, p. 117-120.

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Les choses ne sont peut-être pas aussi simples. Se peut-il que Marquet n’ait rien tenté lorsqu’il a connu l’arrestation de son collaborateur pendant plus de quinze ans ? L’absence de documents en ce sens ne prouve rien. Si Marquet a négocié la libération de Benzacar, les tractations ont bien sûr été orales et n’ont par conséquent laissé aucune trace. De plus, au sein du Conseil municipal de Bordeaux, siégeait Robert Poplawski, à la fois collègue universitaire de Joseph Benzacar et premier adjoint de Marquet. Or, personne n’a jamais songé à reprocher son inaction à Poplawski. Il n’est pas non plus possible de savoir si Benzacar pouvait espérer un secours du côté de la Faculté de droit de Bordeaux, dont on sait par ailleurs que le doyen, Roger Bonnard, était un pétainiste convaincu83. En outre, Joseph Benzacar était retraité depuis onze ans lors de son arrestation, ce qui a pu renforcer une certaine indifférence universitaire pour son sort.84 En réalité, il est permis de penser que quelque chose a été tenté pour sauver Joseph Benzacar, mais les témoignages de cette action sont extrêmement ténus. Il semble que Joseph Benzacar ait été avisé de l’imminence de la rafle dont il devait être victime. Dans son Eloge de Joseph Benzacar, déjà sollicité ici, André Garrigou-Lagrange écrit que... « vainement on le pressa de partir, de s’enfuir ». Qui a pu alerter Benzacar sinon quelqu’un connaissant les milieux préfectoraux organisateurs de la rafle ? Lors de son procès devant la Haute-Cour, Adrien Marquet prétendra que sachant le sort qui leur était réservé, c’est lui qui avait eu l’idée de regrouper les juifs bordelais dans des établissements médicaux85, pensant que ni les Allemands ni la milice n’oseraient pénétrer de force dans un hôpital pour en arracher des malades. Si tel est le cas, il s’agit là d’une erreur monumentale. Croire que des partisans du nazisme seraient respectueux d’une immunité médicale illusoire relève de la naïveté, voire de l’inconscience. Bien au contraire, en rassemblant les israélites dans des lieux publics, Marquet les désignait, et même les offrait aux barbares, leur évitant au surplus la peine de les rechercher. Le regroupement en milieu hospitalier a donc favorisé la rafle au lieu de l’entraver. Le rôle d’Adrien Marquet est encore très débattu de nos jours. La doctrine historique moderne, sans nier que la mairie bordelaise n’est pour rien dans la politique d’extermination raciale, reproche encore à Marquet son échec dans l’endiguement des mesures anti-juives. Et l’on fustige toujours son apparente indifférence au sort de son adjoint86. Mais on aura compris que l’analyse historique moderne est écartelée entre deux attitudes radicalement opposées : saluer l’action du maire en faveur de sa ville, et dénoncer sa passivité vis-à-vis des victimes du nazisme87. 83

COINTET (Michelle), « Les juristes sous l’occupation : la tentation du pétainisme et le choix de la résistance », dans Les facs sous Vichy. Etudiants, universitaires et Universités de France pendant la seconde guerre mondiale, Moulins, 1994, p.56-59. Bonnard était mort depuis le 18 janvier 1944, quelques jours avant l’arrestation de Joseph Benzacar, quatre mois avant sa déportation. Il était alors doyen de la Faculté de droit de Bordeaux. Il sera remplacé par son assesseur, Henri Vizioz. Ce dernier aura lui-même pour assesseur Robert Poplawski, qui lui succèdera au décanat en 1949. 84 Sur le problème de la passivité des universitaire vis-à-vis de l’exclusion des juifs, voir SINGER (Claude), « L’exclusion des juifs de l’Université en 1940-41 : les réactions », dans Les facs sous Vichy. Etudiants, Universitaires et Universités de France pendant la seconde guerre mondiale, Moulins, 1994, p. 189-204. 85 DUFOURG (Robert), Adrien Marquet devant la Haute-Cour, Paris, éd. Janmaray, 1948, p. 48. Marquet prétendra même avoir sauvé la vie du rabbin Cohen, et avoir défendu les juifs de Bordeaux ... « autant qu’il le pouvait ». Il affirmera qu’à cette époque, il avait rompu avec Laval et Pétain (Ibid. p. 76). Il est de fait que la condamnation de Marquet à dix ans d’indignité nationale ne repose que sur son action en tant que ministre du gouvernement de Vichy, charge qu’il a exercée pendant neuf semaines. Marquet ne sera pas condamné pour son activité en tant que maire de Bordeaux. 86 Voir par exemple BONIN (Hubert) LACHAISE (Bernard) et TALIANO des GARETS (Françoise), Adrien Marquet. Les dérives d’une ambition, Bordeaux, Paris, Vichy (1924-1955), Bordeaux, éd. Confluences, 2007, p. 283 à 285. 87 Hésitation très perceptible dans la récente Histoire des maires de Bordeaux, Bordeaux, Les dossiers d’Aquitaine, 2008, p. 405 : « En se basant sur les faits et sur l’histoire de la commune de Bordeaux, il faut reconnaître que si Marquet n’est pas intervenu publiquement lorsque son premier adjoint juif (n.b. faux, Joseph

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Il faut enfin remarquer que Joseph Benzacar a, d’après A. Garrigou-Lagrange, refusé de fuir. Ce refus mérite d’être apprécié. A-t-il recherché le martyre ? Probablement pas, car il ne s’agit pas là d’une attitude juive, mais plutôt chrétienne ou musulmane. A-t-il sous-estimé le danger ? Sûrement pas, puisqu’il y était confronté quotidiennement en raison de l’occupation de son logement. Etait-il lassé, désabusé ? Peut-être, si l’on se fie au ton de sa lettre d’octobre 1940 à Marquet. Agé de 82 ans au moment de son arrestation, sans doute estil usé, et ne peut-il plus lutter ? Quoi qu’il en soit, les quatre membres de la famille Benzacar seront capturés dans un hôpital bordelais et envoyés à la mort. S’ils ont pu éliminer physiquement Joseph Benzacar, les nazis n’ont pas effacé sa mémoire. Celle-ci est encore bien vivante, à la fois au sein de l’Université dont il fut membre pendant près de quarante ans, et de la ville de Bordeaux qu’il servit durant plus de quinze années. La Faculté de droit de Bordeaux, devenue Université Montesquieu-Bordeaux IV, possède même deux salles dédiées à Joseph Benzacar : l’une dans les locaux historiques de la place Pey-Berland, dans lesquels le professeur d’économie a enseigné, et l’autre dans la nouvelle Faculté, installée depuis 1966 sur le campus de Pessac, que Joseph Benzacar n’a évidemment pas pu connaître. En ce qui concerne la ville de Bordeaux, c’est le 12 février 1951 que la mairie écrivit à Robert Poplawski, ancien premier adjoint de Marquet, devenu entre-temps doyen de la Faculté de droit, pour lui proposer des noms de professeurs dans le but de les attribuer à certaines rues bordelaises. A l’unanimité, la Faculté désigna le nom de Joseph Benzacar, qui depuis, possède une rue à son nom dans le quartier de la gare Saint-Jean. Mais, beaucoup plus récemment, le 6 mars 2008, une brève cérémonie a vivifié tous ces hommages, en jetant une vive lumière sur les circonstances de la fin de Joseph Benzacar et des siens. Dans le cadre de la campagne pour les élections municipales, l’un des candidats à la mairie de Bordeaux, Alain Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine, a souhaité débaptiser symboliquement une place de Bordeaux, la place Robert Poplawski, pour lui donner le nom de Joseph Benzacar. En présence de Michèle Delaunay, députée socialiste de la Gironde, une plaque autocollante a été apposée pour substituer le nom de Benzacar à celui de son collègue professeur à la Faculté de droit de Bordeaux et adjoint d’Adrien Marquet. Dans un discours très vif, Alain Rousset présenta Poplawski comme « un de ceux qui ont appuyé la politique de Vichy et la collaboration », et comme un « complice de la politique de Marquet, s’étant distingué par ses actes de collaboration véhéments »88. Ces propos, sans doute exagérés en ce qui concerne les actes de collaboration de Poplawski, furent immédiatement suivis de la lecture de la lettre de Benzacar à Marquet du 21 octobre 1940. Il ne s’agissait certes là que d’une action symbolique, au sein d’une campagne électorale passionnée, et la place Poplawski a depuis lors retrouvé son nom. Malgré tout, cet épisode témoigne au moins d’une réalité réconfortante : soixante-cinq ans après sa mort, la mémoire de Joseph Benzacar est toujours vivante dans la ville qu’il a tant aimée et servie. On ne peut que se réjouir de la place occupée aujourd’hui par le professeur d’économie politique dans la mémoire historique de Bordeaux. Son souvenir est bien présent, et participe encore à la lutte contre l’oubli de la barbarie : en ce sens, Joseph Benzacar n’est pas mort pour rien.

Benzacar n’a jamais été premier adjoint de Marquet) Joseph Benzacar a été envoyé à la mort dans les camps d’extermination, il a, pendant cinq ans, sous une tutelle souvent féroce, continué les travaux de la ville, veillé à la sécurité et à la discipline, et, d’après ses dires, aidé certains bordelais à échapper aux griffes nazies, dont les responsables de la synagogue. Adrien Marquet a manœuvré pour éviter le pire. Il reste aujourd’hui encore au cœur de bien des débats, selon les interprétations que l’on donne à sa devise : L’ordre, l’autorité, la Nation ». 88 Cette cérémonie est brièvement relatée dans le journal Sud-Ouest du lendemain, vendredi 7 mars 2008, p. 211. Il existe un reportage filmé de cet évènement, qui circule sur Internet : on peut le visionner en particulier sur le site domi33.blogsudouest.com/ (petit journal de DEB -Dominique-Emmanuel Blanchard-)

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APPENDICE PUBLICATIONS et TRAVAUX de Joseph BENZACAR - De la bonne foi : les effets sur les contrats, du Ier au VIe siècle de l’Empire (droit romain).- Les accidents du travail manuel dans le louage de services (droit français), thèse, droit, Bordeaux, 1890. Bordeaux, Cadoret, 1890. - « La création d’une science nouvelle au XVIIIe siècle : François Quesnay ». Conférence prononcée à l’Assemblée générale de la Société d’économie politique de Bordeaux le 29 avril 1896, Revue économique de Bordeaux, Bordeaux, Gounouilhou, 1896, p. 3-21. - « Economie locale : Chambre syndicale des employés de commerce de la ville de Bordeaux », dans Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1er mars 1898, p. 116. - « Essai sur le marchandage », dans Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 2e année, N° 5, 1899, p. 1 à 12. - « La dépopulation de la France et la recherche de la paternité », dans Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 3e année, N° 6, 1900, p. 3-22. - « L’ouvrière au XXe siècle », conférence populaire (sic) prononcée le 15 mars 1902, dans Revue des questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, Lyon, 1902, p. 3-12. - « De la répartition des capitaux en France », dans Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 6e année, N° 12, 1903, p. 3-16. - « Economie locale : Mouvement de la population à Bordeaux », dans Revue économique de Bordeaux, 15e année, N° 91, juillet 1903, p. 116-125. - « Règles économiques de l’administration d’Aubert de Tourny, intendant de Bordeaux ». Extrait du Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1903, Paris, Imprimerie nationale, 1904, 81 p. - « La disette à Bordeaux (1747-1748) », dans Revue philomathique de Bordeaux et du SudOuest, 7e année, N° 11, 1904, p. 1 à 15. - « La valeur locative des usines en France », dans Revue des questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, Lyon, 1904, p. 146-156. - « Les industries américaines », notice, dans Revue économique de Bordeaux, 16e année, T.14, N° 94, janvier 1904, p. 3-5.

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- « Le bien de famille ». Conférence publique, 31 janvier 1905, extrait de la Revue économique de Bordeaux, 1905, 16 p. - « Le pain à Bordeaux : XVIIIe siècle ». Extrait de la Revue économique de Bordeaux, N° 95 à 102, Bordeaux, Gounouilhou, 1905, 122 p. - « Les jeux de hasard à Bordeaux (1701-1789) ». Extrait de la Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 8e année, N° 5, 1905, p. 1-23, et Bordeaux, Gounouilhou, 1905. - Préface du Manuel pratique de crédit agricole mutuel, de René DOUILHET, édité à Bordeaux par l’Avenir de la Mutualité (155 p.). - « Dom Devienne, historiographe de Guyenne ». Extrait de la Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, IXe année, N° 4, 1er avril 1906, et Bordeaux, Gounouilhou, 1906, 20 p. - « Enquête sur la banque royale de Law dans l’élection de Bordeaux », extrait du Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1907, Paris, Imprimerie nationale, 1909, 24 p., et Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, T. II, 1909, p. 82 à 102. - « Fondements de la politique des vins dans la sénéchaussée de Bordeaux (XVIIIe siècle) », dans Revue philomathique de Bordeaux, décembre 1907, p. 529-546, Bordeaux, Gounouilhou, 16 p. - « Libres propos économiques : le chômage involontaire », dans Revue populaire d’économie sociale, mars 1907, p. 65 à 77. - « Fondements juridiques de la délimitation du crû bordelais (l’appellation et la marque « Bordeaux) ». Conférence prononcée à l’Athénée le 23 mai 1910 sous les auspices du Comité de la foire aux vins de Bordeaux, Bordeaux, Barthélémy, 1910, 28 p.. - Avec MARION et CAUDRILLIER : Département de la Gironde : documents relatifs à la vente des biens nationaux. T. 1 en deux volumes : districts de Bordeaux et de Bourg, Bordeaux, Cadoret, 1911, 710 p. (390+320) et T.2 : districts de Bazas, Cadillac, La Réole, Lesparre et Libourne, Bordeaux, Cadoret, 1912, 646 p. - « L’histoire locale et l’Université de Bordeaux », dans Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 1911, p. 5 à 8. - « Le coût de la vie et le protectionnisme », conférence publique de la Ligue du Libreéchange, prononcée à Bordeaux le 14 avril 1913, Paris, éd. du bureau du Journal des économistes, 1913, p. 3-21 (18 p.). - « L’économie du paiement », dans Bulletin mensuel des jeunesses républicaines du SudOuest, (dir. Jean Coustolle), N° 1, première année, avril 1917, p. 10-15.

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- « Eclaircissements sur les finances de Bordeaux (XVIIIe siècle 1701-mai 1791) 1ère partie : impositions locales », extrait de la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 1916 et 1917, et Bordeaux , Gounouilhou, 1918, 98 p. : - « Le devoir économique : intermédiaire, consommateur, producteur », Comité Michelet, Bulletin d’études historiques politiques et sociales, 4e année, août 1918, p. 341355, et Paris, Ténin, 1918, 15 p.. Marc MALHERBE Maître de conférences Université Montesquieu-Bordeaux IV

Iconographie à répartir au mieux 1 - Benzacar 2Arrestation 3 - Cheval 4 - Fontaine

Joseph Benzacar (La lettre de l'Université Montesquieu - Bordeaux IV – juin 2004) Fiche d’arrestation de Joseph Benzacar et de son épouse (La lettre de l'Université Montesquieu - Bordeaux IV – juin 2004) Fontaine des Girondins à Bordeaux Le mensonge, le vice et l’ignorance – Fontaine des Girondins à Bordeaux

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