La piste d`essais

May 11, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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AMETIS INFOS N° 16

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« La piste d’essais

1930 : la production démarre sur les chaînes de l’île Seguin que les journalistes spécialisés ont pu découvrir quelques mois auparavant. Mais la construction de l’usine n’est pas terminée. Une deuxième tranche de travaux est mise en chantier en 1933 et en 1934, qui va lui donner sa silhouette quasi-définitive. Le bâtiment central -appelé bâtiment 6- est surélevé pour accueillir à son sommet les cabines de peinture. Et l’immense espace situé entre les deux ponts est couvert, constituant ainsi l’esplanade de l’île dont la charpente culmine à une hauteur 9 mètres. Toutefois, il manque encore un des équipements qui va ajouter une touche de modernité à cet ensemble industriel unique en son genre : la piste d’essais. Ce sera chose faite en 1935. Réservée aux véhicules de tourisme, elle sera modernisée mais guère modifiée au fil des années et continuera à être utilisée jusqu’à ce que cesse la fabrication en 1992.

exactement à creuser- la piste d’essais à la pointe amont, en la plaçant au ras de du fleuve, au niveau ancien de l’île, où elle allait former un triangle isocèle dont la pointe faisait face à l’île Saint-Germain et dont la base était située dans l’axe des deux ponts.

RIVE DROITE, RIVE GAUCHE…, CONDUITE À GAUCHE, CONDUITE À DROITE…

Vue intérieure de la piste d’essais en 1934, avant sa mise en service. A noter : l’absence de glissières de sécurité. © Renault Communication DR

LA PISTE TURINOISE Pour Louis Renault, la décision de construire une usine sur l’île Seguin correspondait à une préoccupation majeure : mettre fin à la dégradation continue de la rentabilité des installations anciennes situées sur le Trapèze en rationalisant et en modernisant les méthodes de fabrication. Il s’est inspiré du modèle américain en allant observer sur place en 1928 comment Ford, General Motors et d’autres constructeurs de moindre importance s’étaient organisés au sortir de la guerre. Et, ce, avec d’autant plus d’attention, que c’est sur ces bases que Citroën venait d’édifier son usine de Javel. Dès le début, on trouve au bout des chaînes de l’île des bancs à rouleaux qui permettent de vérifier que le moteur et la boîte de vitesses fonctionnent, que les trains sont correctement réglés et les freins bien équilibrés. Mais Renault ayant choisi de faire 6

de la qualité, de la fiabilité et du niveau de finition de ses modèles les piliers de son image de marque, la nécessité de disposer d’une piste spécialement conçue pour des contrôles plus poussés permettant de déceler d’autres défauts, tels que les bruits de carrosserie ou les réglages des suspensions, s’est finalement imposée. Et c’est en regardant chez FIAT que l’idée se concrétise. Inaugurée en 1922, l’usine du Lingoto à Turin est dotée d’une piste d’essais en 1926. Située sur le toit de l’usine, accessible par deux rampes hélicoïdales, elle comportait deux lignes droites de 400 mètres reliées entre elles par deux courbes paraboliques inclinées, situées à chacune des extrémités du bâtiment. A Billancourt, il était impossible de reproduire l’original. Le bâtiment 6 était bien trop étroit et beaucoup trop court, sans compter qu’il n’avait pas été conçu pour supporter le poids d’une telle piste. Il ne restait plus qu’à construire -plus

Les essayeurs devaient effectuer un tour trois quart de la piste, soit un tour complet du triangle auquel s’ajoutaient les deux côtés longeant les deux rives. Il y avait donc deux passages de l’épingle à cheveux de la pointe amont. Le trajet était d’environ un kilomètre. A l’origine, l’entrée de la piste était située rive gauche -côté Meudon- et la sortie rive droite -côté Billancourt. Mais en 1968, avec l’installation des premiers postes de contrôle antipollution côté Meudon, le sens d’entrée et de sortie fut inversé.

4 CV dans la rampe d’accès à la piste d’essais en 1950 -pointe amont, côté Meudon-. © Renault Communication DR

Juin 2010

à imposer une barre antiroulis sur le train arrière. Il fallait donc visualiser la réaction du futur modèle en situation critique dans les deux configurations. Les deux modèles furent testés sur la piste d’essais. En soirée, après le départ des ouvriers, Henri Laroussinie, directeur de l’usine, Michel Auroy, responsable du projet Renault 6, François Peigney, chef du service qualité et Guy Monteil, son adjoint, se postèrent derrière les glissières de sécurité à la sortie de l’épingle de la pointe amont. Et, les tympans martyrisés par les miaulements des pneus sur le bitume, examinèrent avec soin les réactions des différents prototypes. Conclusion : la barre antiroulis fut spécifiée.

Renault 6 sur la piste d’essais en 1977 © Renault Communication DR

Conséquence logique mais cependant surprenante : les meilleures performances, obtenues auparavant avec les véhicules avec conduite à gauche, devinrent l’apanage de ceux équipés d’une conduite à droite. Du point de vue de la sécurité, l’entrée de la piste fut rapidement commandée par un feu indiquant que la voie était libre. Ultérieurement, ce système fut complété par d’autres feux et un système de cellules photo-électriques commandant le passage au rouge en cas d’incident. Plus tard, dans les années 60, des glissières de sécurité de type autoroutier furent installées tout au long du parcours. Précisons qu’à cette époque, on avait atteint une fréquence d’entrée sur la piste d’environ une voiture par minute. Au plus fort de l’activité de l’usine, dans les années 70, le chef d’atelier avait sous sa responsabilité deux équipes d’une quinzaine d’essayeurs, encadrées chacune par un chef d’équipe et deux régleurs. Pour devenir essayeur, aucune aptitude particulière n’était exigée au départ, en dehors de la possession du permis de conduire. Peu de femmes -deux à trois maximum- ont pu s’intégrer au sein de ce milieu très fermé, alors que, par ailleurs, les « jocquettes » chargées de déplacer les voitures en retouche et de les convoyer vers la barge ont été de plus en plus nombreuses dans l’usine après 1968. Au bout de la piste, au niveau de la pointe amont, une cabine avait été installée. C’était la « cabine des bruits » ; en amont étaient disposés au sol des boudins destinés à faire vibrer les véhicules. Un technicien spécialisé s’y réfugiait et tentait d’analyser les bruits anormaux. En cas de besoin, il pouvait en manœuvrant la glissière faire pénétrer la voiture dans la cabine pour l’examiner de plus près.

INCIDENTS, MISES AU POINT ET ANECDOTES La piste de l’île Seguin n’a jamais eu l’ambition de rivaliser avec celles du bureau d’études, et, dans 99% des cas, la fiche d’essais ne mentionnait aucune anomalie. Néanmoins, elle a permis de faire apparaître un certain nombre d’incidents et faire remonter l’information à la direction des achats. Qu’il s’agisse d’amortisseurs défectueux, de vis de purge de circuit de freinage desserrées, de rotules de directions rompues dès le premier choc sur la route ou du flambage de tiges de commande des maîtres-cylindres de freins… Autant de défauts détectés avant que les clients en subissent les conséquences. Avec la mise au point de la Renault 6 -fin 1967, début 1968-, la piste d’essais a, pour une fois, joué un rôle plus important. En raison de son coût, le bureau d’études hésitait

Malheureusement, l’histoire de la piste d’essais ne comporte que fort peu d’anecdotes croustillantes. Il y a bien cette camionnette d’un fournisseur qui un jour s’est coincée dans l’entrée et dont il a fallu dégonfler les pneus pour la dégager. Ou bien cette journée de grève de la RATP au cours de laquelle la circulation fut malicieusement détournée vers l’avenue Emile Zola. Les automobilistes traversaient donc l’île Seguin par les deux ponts pour déboucher au Bas-Meudon. Ce fut un embouteillage monstrueux, on vit même un bus traverser l’île ! Néanmoins, les essayeurs parvenaient toujours à traverser ce flux et à emprunter la piste. Jusqu’au moment où une conductrice prit l’initiative de suivre l’un d’entre eux… Après avoir tourné pendant un certain temps, incapable de ressortir et ayant fait passé tous les feux au rouge, elle ne dut son salut qu’au bon vouloir des essayeurs qui la firent enfin sortir ! Rédaction Pierre Zigmant d’après les propos recueillis auprès de Michel Auroy, Robert Drouin, René Luchon et Guy Monteil

Entrée de la piste d’essais en 2002 -pointe amont, côté Billancourt-, trois ans après la fermeture de l’usine. © Renault Communication / photo Pierre Zed

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