La retractation de rengagement

April 22, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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Juridique Entreprise et expertise

La rétractation de l’engagement unilatéral en droit des sociétés

Les engagements unilatéraux rythment la vie des sociétés et se présentent sous de nombreuses formes : promesse unilatérale de cession d’actions, de porte-fort, pacte de préférence…

Par Jean-Pierre Thuillant, avocat associé, DS Avocats

D

e récentes décisions rendues en matière de promesses unilatérales de ventes risquent pourtant de venir en affaiblir leur portée.

1. La rétractation du promettant Depuis un arrêt du 15 décembre 19931, la 3e chambre civile avait retenu que  : «Tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire et que la levée de l’option postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir.» Cette position qui constituait un revirement inattendu avait été considérée par la doctrine comme un arrêt de circonstance et un arrêt de la même 3e chambre civile du 8 septembre 2010 n°  09-13.345 était venu redonner de l’espoir il est vrai dans des circonstances particulières, le promettant étant décédé avant la date de levée d’option. Après de nombreux rebondissements2 et quelques résistance de cour d’appel, la Cour de cassation vient de confirmer dans deux arrêts sa position de 1993 (Cass. 3e civ. 11 mai 2011 et Cass. com. 13 septembre 20113 retenant pour la première fois cette solution en matière de promesse unilatérale de cession d’actions, limitant ainsi l’efficacité des promesses unilatérales de ventes. L’intérêt de ces deux arrêts réside notamment dans le fait que la chambre commerciale s’aligne sur la position de la chambre civile faisant perdre ainsi tout espoir qui aurait pu naître d’une divergence entre chambre civile et commerciale, tranchée par l’assemblée plénière.

avec la collaboration de Gwenaëlle de Girval

2. Le sort des engagements unilatéraux Les récentes décisions rendues en matière de promesses unilatérales de ventes peuvent-elles être étendues à tous les engagements unilatéraux ? Dans un pacte de préférence, le promettant s’engage unilatéralement à ne pas céder les titres avant de les avoir proposés au bénéficiaire. Depuis 20064, la Cour de cassation considère que le non-respect du pacte peut être sanctionné par la nullité de la cession passée en violation du pacte et la substitution du bénéficiaire du pacte à l’acquéreur. Il semble improbable que les récentes décisions rendues en matière de promesses unilatérales de ventes portent atteinte à la position de la Cour. L’efficacité des pactes de préférence semble dès lors garantie. Dans la promesse de porte-fort, le promettant s’engage unilatéralement envers le bénéficiaire à faire ratifier ou exécuter un acte ou une action par un tiers. Il promet le fait d’un tiers qui peut refuser de tenir l’engagement. Le non-respect de son engagement par le promettant ne peut être sanctionné que par l’allocation de dommages et intérêts5. En effet, le tiers peut refuser de céder les titres et il n’est pas possible de le forcer à les céder puisque tant qu’il n’a pas ratifié la promesse il n’est pas engagé. La solution applicable en matière de promesses unilatérales de ventes s’applique donc en ce sens que le promettant peut se dégager de sa promesse mais sa justification, la nonratification du tiers ou son refus, est née du texte même de l’article 1120 du Code civil qui en prévoit les sanctions. Un pacte de non-acquisition s’analyse comme l’engagement unilatéral de ne pas acquérir les titres d’une société.

1. Cass. 3e civ. 15 décembre 1993, n° 91-10.199. 2. Cass. 3e civ. 28 octobre 2003, n° 02-14.459 ; Cass. 3e civ. 25 mars 2009, n° 08-12.237 ; Cass. 3e civ. 8 septembre 2010, n° 09-13.345. 3. Cass. 3e civ. 11 mai 2011, n° 10-12.875, Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-19.526. A contrario, dans un arrêt du 6 septembre 2011 (n° 10-20.362), la 3e chambre avait semé le trouble en retenant que malgré la rétractation du promettant la levée de l’option devait produire son effet. Mais la portée est encore incertaine (JCPG, n° 48, 28 novembre 2011 p. 1316 «Promesse unilatérale de contracter : un revirement à petits pas feutrés», L. Perdrix ; Dalloz 2012, p. 231 «De la prétendue rétractation du promettant dans la promesse unilatérale de vente ou pourquoi le mauvais usage d’un concept inadapté doit être banni», N. Molfessis). 4. Cass. chbre mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376. 5. Cass. 1re civ. 26 novembre 1975, n° 10.356.

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Entreprise et expertise Juridique La Cour de cassation6 a récemment refusé de sanctionner la violation d’un tel pacte par la cession forcée des titres acquis en violation dudit pacte au motif que cela aurait augmenté la participation du demandeur dans la SA ce qui portait atteinte au principe de réparation intégrale du S’il ne semble pas que préjudice. Cependant, la Cour admet implicitement, par réféles décisions rendues en rence à l’article 1143 du Code matière de promesses civil7, que la cession passée en violation d’une obligation unilatérales de ventes de ne pas faire puisse être puissent altérer l’efficacité annulée pour rétablir la situation dans laquelle se seraient de tous les engagements trouvées les parties s’il n’y avait unilatéraux, elles risquent pas eu de violation du pacte. L’engagement unilatéral issu en revanche de perturber d’un pacte de non-acquisition le bon déroulement des est de nature différente de celui issu de la promesse unilatérale cessions d’actions. de ventes puisqu’il consiste à ne pas acquérir et pose alors en priorité la question de la nullité de l’acte passé en violation du pacte, nullité acceptée par la Cour de cassation. La nature de l’engagement unilatéral étant différente et la sanction de sa violation étant expressément prévue par le législateur il semble peu probable que les décisions rendues en matière de promesses unilatérales de ventes affectent l’efficacité du pacte de non-acquisition. Par la clause de «buy or sell» un actionnaire s’engage unilatéralement à racheter les titres d’un autre actionnaire si ce dernier refuse son offre de vente. La cour 6. Cass.Com., d’appel de Paris8 a déjà accepté l’exécution forcée d’une 24 mai 2011, n° 10telle clause dans un cas où les titres n’avaient pas été 24.869. 7. Article 1143 cédés à un tiers car «aucune impossibilité matérielle, du Code Civil : juridique ni morale ne lui fait obstacle, le débiteur de «Néanmoins le créancier a le droit l’obligation étant demeuré propriétaire des tires (…)». de demander que Bien qu’actuellement encore citée par certains auteurs, ce qui aurait été fait par contravention à cette décision a été rendue en 2001 et peut donc être l’engagement, soit affectée par les récentes décisions rendues en matière de détruit ; et il peut se faire autoriser promesses unilatérales de ventes. à le détruire au dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu». 8. CA Paris, 21 décembre 2001, n° 2001/09384 «SA Banque de Vizille c/ Sté MGP Finance et autre». 9. Cass. 3e civ. 27 mars 2008, n° 0711.721. 10. Bull. Joly Sociétés, sept. 2011 «Faut-il désespérer des promesses unilatérales de contrat ?», D. Mazeaud. 11. Cass.Com. 18 janvier 2011, n° 09-16.863.

3. Les moyens visant à assurer l’efficacité des engagements unilatéraux S’il ne semble pas que les décisions rendues en matière de promesses unilatérales de ventes puissent altérer l’efficacité de tous les engagements unilatéraux elles risquent en revanche de perturber le bon déroulement des cessions d’actions. En effet, ces promesses sont présentes à chaque fois qu’une cession d’action est étalée dans le temps. Il faut donc prévoir des mécanismes pour tenter de garantir leur efficacité. Un premier moyen consiste à insérer dans le contrat une clause de formation et d’exécution forcée. La validité d’une clause d’exécution forcée a été approuvée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 20089.

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Il est cependant important de prévoir à la fois une clause de formation et d’exécution forcée du contrat, car dans ses arrêts récents la Cour de cassation ne se fonde plus sur l’article 1142 du Code civil mais uniquement sur les articles 1101 et 1134 pour refuser l’exécution forcée. Denis Mazeaud propose la clause suivante  : «Par le présent contrat de promesse unilatérale, les parties conviennent que la formation du contrat promis dorénavant est exclusivement subordonnée au consentement du bénéficiaire, indépendamment du comportement du promettant. Le promettant reconnaît que la rétractation de son consentement, avant l’expiration du délai d’option, serait dépourvue de tout effet sur la conclusion du contrat promis, et accepte s’il refuse de prêter concours à la réalisation de l’acte authentique, que celle-ci puisse être judiciairement constatée10.» Il peut également être intéressant d’insérer dans le contrat une clause de dédit ou une clause pénale. Ces clauses ne sont pas aussi efficaces qu’une clause de formation ou d’exécution forcée, puisqu’elles n’ont qu’une dimension indemnitaire, mais peuvent avoir un effet dissuasif sur les parties. La clause pénale est révisable par le juge mais ce n’est pas le cas de la clause de dédit. La chambre commerciale de la Cour de cassation11 veille au respect de la distinction entre les deux clauses et se refuse à requalifier en clauses pénales révisables les clauses de dédit portant une indemnité élevée. Les cocontractants pourront également décider de recourir à la fiducie. Le fiduciaire, chargé de l’administration des titres, aurait pour obligation de les transférer au bénéficiaire de la promesse lors de la levée de l’option, sans pouvoir recevoir de contre-ordre conçu unilatéralement par le fiduciant. Dans l’hypothèse d’un pacte d’actionnaire, la société peut intervenir au pacte. L’idée est de faire signer le pacte par la société, de la faire intervenir ou de lui notifier le pacte. Cette technique pourrait être utile s’agissant de s’opposer à un transfert de propriété des titres en refusant de procéder aux mouvements de titres sur son registre, en revanche il est plus difficile de voir en quoi elle pourrait forcer un tel transfert. Enfin, il peut être décidé que le pacte d’actionnaire sera détenu par un tiers. Le tiers sera chargé, sous sa propre responsabilité de procéder aux inscriptions dans les registres de mouvements de titres et comptes d’actionnaires de la société émettrice, après vérification de la conformité desdits mouvements aux dispositions du pacte d’actionnaire. Ce dispositif peut permettre de limiter les conséquences immédiates de l’infraction au pacte d’actionnaire et également, si nécessaire, de faciliter la démonstration de la mauvaise foi du tiers. Une de ses limites est la question de la révocabilité du mandat, mais il existe plusieurs moyens de pallier cette difficulté. Il est à craindre que peu de professionnels voudront se lancer dans cette mission à risque. n

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